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Jean Dusaussoy / Photos Fabrice Lesigneur

Cognac & Cuisine nikkei / Lucas Felzine - Uma / Paris 1


Première version parue dans En Magnum #15

La cuisine nikkei, du surnom donné aux émigrés japonais à leur arrivée au Pérou au XIXe siècle, est une fusion de la cuisine japonaise avec celle du Pérou, que le chef Lucas Felzine propose à la carte de son restaurant, Uma (1). « Je n’ai pas la prétention d’être Japonais ou Péruvien, mais je me suis demandé comment synthétiser ma cuisine à travers l’épure du Japon et la couleur de l’Amérique latine. En arrivant, les Japonais ont cherché à faire leur cuisine avec les produits qu’ils découvraient sur place », déclare le chef dans son restaurant où nous nous retrouvons pour tester comment les différentes catégories de cognac (2) vont interagir avec sa cuisine.

Nous commençons par un ceviche de langoustine juste flashée, leche de tigre au kombucha (3), géranium d’hiver et caviar végétal qui « rencontre » comme une évidence le VS, servi frappé (4), pour son côté vif et végétal. « J’ai travaillé sur la fraicheur » dit le chef. « Le géranium rosa a un côté végétal fleuri qui est très agréable, mais peut être très prenant dans un bouillon. Aussi j’ai joué sur la balance avec le côté animal de la langoustine, il y a presque du sanguin lorsqu’elle est crue comme ici, juste marinée dans le leche del tigre. En goûtant avec le cognac, il y a une finesse qui va naître et rappeler le côté herbacé du géranium et du caviar végétal pour mieux nous y replonger. » Un a-corps subtil qui frise l’éther tant il est léger !

Avec le VSOP, le chemin est plus difficile à trouver, ses notes boisées faisant de la résistance. Mais avec la Saint Jacques marinées au miso, légumes fermentés et jus d’anguille à la tonka et au cacao, il rend les armes. La saveur noisette de la Saint Jacques snackée au chalumeau, les notes toastées du cacao et de la fève tonka… L’accord vient par le torréfié et le fumé qui rencontre le boisé vanillé de ce cognac intermédiaire qui n’a plus la vivacité du VS et pas encore la gourmandise d’un XO ou les rancios d’un l’Extra.

Une autre évidence sur les gyoza de canard laqué et son dashi péruvien sur lequel nous testons successivement l’XO et l’Extra. Rien que sur le seul gingembre jeune thai, confit dans le vinaigre de riz et mirin, note de tête du dashi, bouillon dont une quarantaine d’ingrédients entrent dans sa composition avec un clein d’œil à son passage chez le chef William Ledeuil (5), l’Extra et la longueur de ses rancios remportent le match sur l’XO, également avec des notes oxydatives, mais plus gourmand. « Cette recette-là, c’est ce qui m’a permis de faire la fusion entre les trois continents. Une farce, classique à la française, presque un ragoût, le côté japonais avec le dashi et le gyoza et la Chine pour la cuisson du canard auxquels on va rajouter la couleur de l’Amérique latine avec le piment et les herbes » commente le chef. A l’accord de base, construit sur le gingembre, vient se superposer le gouteux du canard que les notes oxydatives du cognac viennent accompagner comme autant de condiments. Un accord terrien et puissant sans être pesant grâce au bouillon.

Pour le dernier accord Lucas Felzine propose une sphère à l’olive de kalamata, chocolat et truffe. « J’avais envie de travailler la truffe en dessert et je suis un gros fanatique de l’olive. C’est un fruit que l’on connaît qu’en salé car elle est saumurée alors qu’elle peut avoir des saveurs très fruitées et anisées, comme la badiane. Je la travaille comme un marron glacé et pour faire le trait d’union avec la truffe, j’utilise le cacao, puisqu’il allie le terreux au fruité. » L’XO, avec son côté pâtissier et des notes oxydatives qui pointent le bout de leur nez, se marie parfaitement avec ce surprenant dessert puisqu’il reprend le même équilibre.

Pour résumer, si vous souhaitez tester sur les accords du cognac, cherchez du plutôt végétal sur un VS, du boisé sur un VSOP, du gourmand sur un XO et de l’oxydatif sur un Extra et vous trouverez des accords dits d’harmonie que je préfère nommer ton sur ton. Sinon, allez chez Uma pour les déguster.

(1) Uma - 7 rue du 29 juillet - 75001 Paris

(2) VS pour « Very Special » : assemblage d’eaux-de-vie d’un vieillissement de 2 ans minimum - VSOP pour « Very Special Old Pale » : assemblage d’eaux-de-vie âgées de 4 ans minimum - XO pour « eXtra Old » : assemblage d’eaux-de-vie âgées de 10 ans minimum - « Extra » : assemblage d’eau de vie de plus de 10 ans minimum

(3) La cuisine nikkei partant de produits crus, les marinades y jouent un rôle important.

(4) Pour les accords, la température de service de spiritueux est importante pour éviter le petit choc dû à la puissance alcoolique. Frappé pour le cognac le plus jeune et entre 8 et 10 degrés, comme pour un vin blanc, pour les autres

(5) Bouillons par William Ledeuil paru aux Editions de la Martinière.

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