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Le Pot de terre et le vigneron

elegancedelarevolte

Texte  Jean Dusaussoy / Photographies de l'auteur sauf mention DR / Première parution dans En Magnum #30


A l’heure où les vins élevés en amphores sont devenus tendance dans le modovino, il est bon de donner la parole à ceux qui ont ouvert la voie à ce contenant en France, utilisé au départ pour la vinification. Philippe Viret dans la Drôme, Frédéric Niger dans la Loire-atlantique, Jean-Claude Lapalu dans le Rhône, Stéphane Tissot dans le Jura, Yves Canarelli en Corse, ont pour point commun un potier, Alain Berthéas, sis à Séguret, non loin de Vaison-la-Romaine dans le Vaucluse car sans amphore, pas de vin. D’ailleurs le terme est impropre car il s’agit de dolia latines (Dolium, dolia, n) comme il l’explique depuis son atelier.


Alain Berthéas dans son atelier à Séguret (84)


 « Originaire de Bourgogne, j’ai fait des fouilles dans des villas romaines quand j’étais à Mâcon et on trouvait du dolium partout. Ça m’a toujours impressionné et poursuivi car quand je me suis installé à Séguret, je savais qu’il y avait eu des fermes romaines et j’ai trouvé dans les vignes des morceaux de dolium. A l’origine, les dolia étaient utilisées pour le transport [1]. Il y a un mystère dans le dolium. Ils mélangeaient dans leur préparation de la calcite calcaire à la terre, qui en principe est impropre à la cuisson car quand on chauffe du calcaire cela se transforme en pierre à chaux. Et bien là, non. Comme c’est du calcaire cristallisé, il ne réagit pas exactement comme le calcaire et si on ne monte pas au-dessus de 900°C pour la cuisson, puis lorsque ça refroidit autour de 300-400°C, on arrose la terre et la chaux qui se libère calcifie l’ensemble (cf. photo ci-dessous). Cela fait une carbonisation des chaux, une sorte de ciment par réaction hydraulique. Une partie de la muraille de Chine, qui est en brique, a été construite avec le même procédé, mais aujourd’hui cette technique de céramiste s’est perdue. »



« De la tradition romaine, poursuit-il, j’ai conservé l’argile ocre de Toscane qui a un intérêt car elle contient naturellement un peu cuivre qui est un anti bactérien très puissant. Mais je la mélange avec un grès chamotté qui permet à la terre de mieux sécher. Les premières dolia, je les ai faites à la demande de Philippe Viret, ce sont les 420 litres. Il est venu, on a dessiné une jarre grandeur nature en règle d’or. Après il a fallu découpé les gabarits en bois pour faire la bobine autour de laquelle enrouler la corde. Toute la famille Viret est venue voir quand j’ai fait la première, puis Philippe m’a dit : « J’en veux 20 ». C’est comme ça que tout a commencé ».

 

La période ne se prêtant pas trop aux réunions physiques, j’ai imaginé une tertulia [2], entre ces vignerons historiques de l’amphore et d’autres qui se sont mis à l’utiliser plus récemment, mais pas avec moins d’engagement.

 

Le chai de domaine Viret qui semble aspirer l'énergie du ciel


Direction Saint-Maurice-sur-Eygues (Drôme) à 15 kilomètres au nord de chez Alain Berthéas où Philippe Viret (photo ci-dessous), du domaine éponyme, nous attend dans son chai tellurique qui semble vibrer dans la lumière saturée du sud (cf. photo ci-dessus) : « L’amphore on ne l’a pas inventée, on l’a refaite vivre. Giusto Occhipinti (Domaine COS en Sicile), qui est un des premiers à faire des vins en amphore en Italie, dit que j’ai contaminé la France avec « mes amphores. » Au départ, quand je présentais les vins en amphore, souvent je le faisais au travers des salons avec Nicolas Joli [3] et tous les amis vignerons en biodynamie, mais souvent j’avais des réflexions de sommeliers ou journalistes comme quoi je faisais des vins dans des pots de fleurs… » Une réflexion que Frédéric Niger du Domaine de L’Ecu a souvent entendu aussi : « Il y a dix ans quand je disais que je faisais des vins en amphore, les gens se foutaient de ma gueule en me disant : « Tu fais du vins dans des pots de terre ! » Et aujourd’hui on m’appelle pour me demander des conseils sur les amphores. Je fais 25 cuvées [4] dont 7 en macération pelliculaire. »

Il faut dire qu’ils ont l’habitude car, avec Philippe Viret, ce sont les deux seuls vignerons à revendiquer faire des vins en cosmoculture [5]. Quand on sait les réactions que peut encore susciter la biodynamie, on peut facilement imaginer ce qu’ils ont dû entendre...

 

Philippe Viret et le cosmos / Photo DR


« Aujourd’hui, on parle des œufs en porcelaine, reprends Philippe Viret. Cela date de la nuit des temps aussi, la porcelaine, et bien qu’il n’y ait pas de migration — c’est aussi neutre qu’une bouteille — il y a une énergie à l’intérieur du fait de sa forme. Aujourd’hui, on parle de vins vivants, mais nous on a rajouté vibrant en plus. Après, c’est quoi la vibration dans un vin ? C’est une notion liée à l’émotion, du moins c’est comme ça que le consommateur peut la ressentir par le bien être car si le vin est une boisson, c’est avant tout un aliment. »


Frédéric Niger / Photo DR


« Les amphores de Berthéas, poursuit Frédéric Niger, m’ont permis de commencer avec le monde des amphores, des amphores spécifiques, montées à la corde (cf photo ci-dessous), mais aujourd’hui, j’ai autour 120 amphores qui viennent principalement de Toscane. Il y a deux grandes familles d’amphores, l’une pour faire des macération ou des élevages en oxydation, comme celles que j’ai, et l’autre où l’on vise surtout le vortex que produit l’amphore et on est sur de la réduction. L’une n’est pas mieux que l’autre, c’est juste différent. En élevage ou en macération, peu importe, mais cela impacte fortement les vins. »

 

Photo DR


« Le seul inconvénient des amphores d’Alain (Berthéas), semble lui répondre Philippe Viret, c’est qu’elles sont très poreuses au départ, ce qui entraine dans les premières années des pertes importantes. Aujourd’hui les contenants se sont affinés, les amphores industrialisées et on arrive à des contenants moins poreux. Mais personnellement, la porosité ne m’a jamais dérangé dans les amphores d’Alain pour l’oxygénisation qu’elles apportent aux vins. J’ai des vins très riches en éléments minéraux qui apportent de la réduction naturelle et ils ont besoin de respirer (notamment sur les cuvées Dolia ndlr). C’est pour cela que j’utilise ces amphores en vinification et pas en élevage, mais sur des vinifications longues sur des cycles d’un an. Je mets les raisins en septembre et ils sont pressés au mois de septembre suivant. On fait le soutirage, le décuvage, on presse, on nettoie les amphores et on remplit à nouveau avec la vendange fraîche. Après on peut faire des macérations très courtes, de 3 semaines ou 1 mois. Cela marche très bien, notamment sur les blancs. »

 

Même écho au Clos de l’Ecu. « Des macérations longues, entre 1 et 2 ans pour les rouges ou pour les vins dit « oranges », ce qui est un abus de langage, précise Frédéric Niger. La couleur de macération tient d’abord au cépage et ensuite à la teneur du degré alcoolique auquel vous le ramassez. Par exemple si l’on prend la cuvée Céleste, assemblage de chardonnay et de folle blanche, un an sur peau élevé séparément. La folle blanche c’est un cépage qui est mûr à 11° et qui ne donne pas trop de couleur et chardonnay ne colore pas trop non plus. Même avec une macération pelliculaire pendant un an, vous avez un vin qui est jaune un petit peu soutenu, mais qui n’est pas orange. Alors que si vous faite une macération avec du vermentino, le vin sort orange foncé au bout de 15 jours. »

 

Depuis Saint-Etienne-la-Varenne, dans le Beaujolais, dont il a été un des précurseurs des vinifications sans souffre aux côtés de Marcel Lapierre et Jean Foyard, Jean-Claude Lapalu (photo ci-dessous) confirme l’adaptation que demande travailler avec ce type de contenant avec le gamay.



« J’ai huit amphores d’Alain et comme c’est un travail artisanal, il n’y en a pas une qui réagisse pareil. J’en ai eu de très poreuses et d’autre presque pas. Je les utilise sur des macérations longues de 7 à 8 mois pour la cuvée Alma Mater 100% égrappée. En macération courte, cela fait des jus beaucoup plus extraits alors que si l’on prolonge, cela affine les jus. Après, on met dans le pressoir, mais c’est plus un égouttage qu’une presse car je ne veux pas d’extraction. Je ne travaille pas du tout sur les mêmes notes aromatiques et les mêmes consistances de bouche qu’avec les autres cuvées, j’aime bien sa matière. »

 

Une aspiration à une recherche de pureté et de finesse qu’ont en commun tous ces vignerons biodynamistes, chacun référence dans leur appellation avec des cépages très différents, comme le rappelle Yves Canrelli, depuis le clos éponyme, sis à Tarabucetta, près de Figari en Corse du sud.

 

« Nous sommes partis du principe que l’on allait faire des vins en amphore sans souffre pour exprimer notre terroir dans la plus grande pureté. Le résultat avec cette cuvée Amphora [6], en blanc comme en rouge, fait partie des vins dont je suis plus fier au domaine. Pour moi la phase fermentaire, le moût qui va se transformer en vin, c’est là où le vin va prendre toute les infos et va les garder en mémoire pour vivre une vie qui est magique. Cet été, j’ai goûté les 2010. Quand vous goûtez cette évolution de vin, nature, aérien, il y a beaucoup de délicatesse, de pureté. On ne peut pas dire que l’amphore remplace le bois, c’est autre chose.  »

 

« L’amphore a quand même un impact. Quand vous débouchez la bouteille, c’est très fin, très délicat avec une petite amertume en finale qui va remonter du côté terre. Tout comme le bois, l’amphore à un impact, mais c’est un ensemble. A un moment donné, je ne buvais plus que cela. C’est le problème de ces vins là quand vous y avez pris goût ! Ce genre de cuvées, avec nos cépages, notre soleil, ça apporte beaucoup de finesse et évolue de manière remarquable sans un gramme de sulfite. On m’aurait dit cela quand j’ai commencé, j’aurais dit que ça n’était pas possible.

Le côté oxydatif, je l’ai plus sur les blancs que sur les rouges. Chez nous, les blancs, c’est beaucoup plus compliqué. On n’a pas trame acide nécessaire, la colonne vertébrale, qui va redresser les vins. C’est pour ça que la macération en amphore sur les rouges, c’est accessible au plus grand nombre, mais ça va interroger les gens sans les désarçonner comme sur les blancs. Les blancs, il faut leur laisser plus de temps. »

 

Un manque d’acidité que ne connaît pas Stéphane Tissot, à Montigny- les-Arsures dans le Jura où il vinifie 35 hectares en biodynamie avec sa femme Bénédicte.

« J’avais goûté mon premier blanc macéré en 1992, dit le vigneron. Dans le temps, ils appelaient ça les « blancs cuvés ». C’était chez un vieux vigneron qui était à la coop et qui faisait un peu de vin pour lui. Il m’avait fait goûté son 85. Ça ma toujours titillé et, après avoir goûté le résultat dans des amphores (des vins de Géorgie et de Sardaigne), j’ai fait ma première cuvée en 2009 avec du savagnin, parce que pour moi, c’était le plus original. Puis en 2011, j’ai fait deux amphores de trousseau et en 2015, j’ai attaqué le poulsard et pour ce cépage, c’est génial car étant un cépage réducteur les amphores d’Alain lui vont à merveille. »

 

« L’amphore, c’est comme beaucoup de chose, le bio, la biodynamie, il faut que ce soit un moyen et non un but. Il faut qu’elle apporte quelque chose au vin sans le marquer. C’est pour cela que je trouve les amphores d’Alain assez magnifique parce que, étant poreuse, elles font évoluer le vin, mais qui malgré tout lui garde un certain éclat. Normalement l’oxydation devrait faire avancer le vin du mauvais côté jusqu’à l’oxyder. Avec celles-ci, il y a une évolution dans le vin où l’oxydation gomme les tannins et leur apporte un velouté tout en gardant une certaine fraîcheur au vin. Je ne peux l’avoir avec aucun autre contenant. Je ne fais que les macérations (de 3 à 5 mois) dans les amphores et j’élève dans des demi-muids de 600 litres Il n’y a que le savagnin qui est fait en partie en kvevri, donc plus réductrice, que j’élève moitié amphore et moitié fût. »

 

« Le but, ce n’est pas de remplacer le tonneau, c’est de faire que chose d’autre. La première fois que j’ai fait goûter mes trousseaux 2015 à Pierre Overnoy[7], il m’a dit : « Ça, il ne faut pas le vendre, il faut le garder » (rire). C’est vrai qu’avec ces amphores on atteint un grain de tannins et une onctuosité en bouche qui sont assez surprenants. C’est la signature des amphores d’Alain. »

 

En s’industrialisant et en devenant de moins en moins poreuses, l’amphore s’est propagée dans les chais d’élevages, même dans des vignobles où pourtant le bois est roi. A commencer par le Bordelais. Guillaume Pouthier, directeur du Château Les Carmes Haut-Brion (AOC Pessac Léognan), certifié HVE, nous explique sa démarche.


 Le Chai Château Les Carmes Haut-Brion / Photo DR


« On utilise des jarres avec deux constituants, la terre cuite et le grès. La porosité de la terre cuite, dépend du temps de cuisson et du degré de cuisson. Plus on la chauffe, moins elle est poreuse. Avec les grès, ce sont des dissolutions d’oxygène très très faible, proche de zéro.

 

La question est l’objectif du vin que vous voulez avoir au final. Si vous voulez avoir un vin qui a de l’éclat, de la puissance, la barrique est très intéressante, mais elle va entraîner un dissolution d’éléments aromatiques et tanniques qui vont aussi apporter de la sucrosité au niveau du vin et de la largeur, de l’étoffe. L’avantage de la jarre en terre cuite et surtout du grès, cela va étirer le vin. Nous faisons des élevages longs (entre 18 et 24 mois) et suivant le millésime la matière première est plus ou moins brute et large. L’idée de la constitution de la qualité de la bouche, c’est de la pousser vers l’avant et donc de l’étirer. Le fait de vieillir une partie de l’assemblage soit en terre cuite ou en grès c’est de donner au vin des éléments de verticalité qui vont permettre au vin de moins s’éroder et garder beaucoup plus d’énergie. C’est pour ça que l’on estime qu’entre 10 et 20%, c’est l’idéal, pour notre vin Carmes Haut Brion sur notre lieu. Moitié pour le grès, qui apporte l’énergie, et la terre cuite de l’ouverture. La barrique (de 80à 90%) va plus pommader le vin, elle va apporter de l’évolution, de la sucrosité, nourrir le volume, le milieu de bouche. Les 10 ou 20% élevés en jarre redonne vraiment du peps au vin pour une symbiose entre l’entrée, le milieu et la fin de bouche.

 

Même approche chez Jean-Baptiste Duquesne au Château Cazebonne, à Saint Pierre de Mons, dans le sud des Graves. Ce néo-vigneron qui a débuté dans le négoce, avant de fonder le site de recette 750gr, ce qu’il lui a permis, en cédant ses parts, de revenir à ses premières amours, mais cette fois de l’autre côté de la barrière. On lui doit également d’avoir lancé le groupe Bordeaux Pirate [8] pour montrer que l’on peut faire des vins différents dans le Bordelais à partir du moment où l’on ne s’interdit rien. Sûrement la meilleure façon de lutter contre le Bordeaux bashing.

 

« La logique de l’élevage en amphore sur les parcellaires [9], c’est de rester le plus proche possible du terroir et du cépage. Pour moi, l’avantage de l’amphore c’est qu’elle oxygène le vin sans l’aromatiser et lui apporter du tannin exogène. Dans l’élevage, il y a toujours un travail sur l’oxydation. Même lorsque tu travailles sur un grès, tu n’es pas totalement étanche à l’oxygène. L’oxydation ménagée des tannins par l’élevage, c’est la finalité que l’on cherche sur l’amphore. On va gérer la porosité de l’amphore en fonction de la nécessité de confronter le tannin à l’oxygène. Avec le merlot, on a travaillé sur des terres cuites poreuses car on avait un merlot relativement dur et pour lequel il aurait fallu des années pour le patiner. Avec l’amphore on a renforcé le fruit, radouci les tannins et on arrive par là à un équilibre. »

 

« Aujourd’hui, je pense que l’on doit avoir une plage de dégustation beaucoup plus large, semble lui répondre Guillaume Pouthier. On doit pouvoir boire de grands Bordeaux au bout de trois ou quatre ans, sans perdre l’ADN de pouvoir les boire au bout de cinquante. Du coup cet élevage avec un pourcentage en jarre permet de donner cet éclat aromatique et de le garder plus longtemps, puisque le vin étant un peu plus figé dans son élevage, sur les premières années, c’est lui qui prend le relais et se marie bien avec le bois que l’on a apporté à côté. Cette dualité est très intéressante alors qu’avant, avec un élevage 100% bois, le vin pouvait se refermer pendant quelques années et qu’il fallait attendre parfois trop longtemps avant qu’il se réouvre.

Ce type d’élevage redonne aussi la notion d’origine du lieu et des cépages. Nous avons beaucoup de cabernet franc et cela permet de conserver cette caractéristique florale profonde. Au final, pour faire simple. On essaie de faire une solution hydro-alcoolique colorée la meilleure possible avec la meilleure buvabilité. Le plus important pour un vigneron, c’est que son vin soit bu en donnant du plaisir et de l’émotion. »

 

« Mon parcours, c’est un parcours d’amateur, répond le pirate Duquesne. Je suis devenu vigneron parce que je suis depuis 30 ans, je suis un passionné de vins. Je goûte de tout, des vins du monde entier et quand j’aime quelque chose, je me demande comment c’est fait. Et donc à partir de ça, je pars du goût que je cherche pour ensuite revenir sur nos parcelles et se dire pourquoi, on le ferait pas. Du coup, ça autorise toute la palette de vinification et d’élevage qui est pratiquée par tout dans le monde alors que traditionnellement de part la typicité de l’appellation de manière non dite, on est contraint par des méthodes de vinification et d’élevage qui font partie de ce qu’on appelle des « usages loyaux et constants de l’AOC ». Cela veut dire qu’une AOC ou une région viticole, sans s’en rendre compte, a ses propres barrières psychologiques qui font que les vignerons s’interdisent de faire les choses par ce que c’est comme ça. Et ce n’est pas que lié qu’au cahier des charges de l’appellation. Si l’on prends ceux des appellations de Bordeaux, rien de t’interdit de faire un vin de macération en blanc par exemple. Sur les cuvées, la philosophie, c’est ne rien s’interdire pour qu’au final avoir en bouteille un vin qu’on a aimé et eu envie de reproduire. »

 

Autre bastion où le bois est séculaire, même si  son usage est y différent du Bordelais, la Bourgogne. C’est à Saint-Romain (Côte d’or), au domaine de Chassorney, que nous terminons ce tour de France (non exhaustif [10]), des vins en amphore avec Frédéric Cossard dans son chai d’élevage (cf. photo ci-dessous). Une version nature de la Bourgogne, mais pas que, puisque le vigneron a une activité de négoce dans le Jura et en Languedoc.

 


« L’objectif était de se séparer de la futaille, pas parce que je suis contre le bois [11], bien qu’il y a toujours un côté un peu poudré, un peu maquillage, et que cela demande plus de travail [12]. On a fait des expériences sur le poulsard 2018, moitié en kvevri, moité en fût de 7 à 8 vins et on a pu constater de grosses différences. Déjà par la prise de couleur, le peu de support tannique que le vieux fût a apporté a fixé d’avantage les anthocyanes et on a quand même une sorte de patine, que l’on peut aimer — on n’est pas dans la planche ou le bâton d’esquimau — mais c’est poudré. L’objectif était plus de bois pour l’élevage car c’est la seule chose que l’on rapportait de l’extérieur, c’était le bois. En 2020 on avait encore une trentaine de fûts. Ensuite pour pallier en fonction de nos volumes, on a des œufs en béton et là on vient de commander une vingtaine de jarres en grès pour, qu’à la vendange 2021, on ait plus un seul tonneau. »

 

« Le chalenge avec la terre cuite, c’est d’essayer d’être le plus près possible du jus de raisin fermenté avec des supports neutres, en mettant toutes les chances de notre côté, avec des prises de risque minimales car on ne souffre pas. Un minimum d’échange avec l’air et avec le contenant pour une recherche de la pureté. L’aboutissement de 25 ans de travail. »


Pour conclure cette « tertulia » vinificatrice avec une métaphore architecturale, on pourrait dire que la terre cuite va donner des vins « gothiques » sur la verticalité alors que le bois les fera pencher vers le Roman et son horizontalité.


[1] Comme le tonneau d’ailleurs pour la cervoise puis le vin.

[2] En Espagne, la tertulia est un type de réunion informelle et périodique, autour d'un sujet ou d'un domaine artistique ou scientifique précis, qui se déroule généralement dans un café et permet aux participants de débattre, de s'informer et d'échanger leurs idées et leurs points de vue.

[3] Vigneron emblématique de la Coulée de Serrant.

[4] Sur un total de 35 cuvées (en biodynamie depuis 1998) pour un volume de 60 à 70.000 bouteille selon les années.

[5] Renaissance d’une méthode de culture ancestrale, la cosmoculture s’appuie sur les échanges entre les énergies cosmiques et telluriques.

[6] La seule non sulfité du domaine conduit en biodynamie.

[7] Vigneron iconique du Jura, sis à Pupillin, pionnier du vin naturel en France.

[8] Petit groupe d’une quinzaine de vignerons dont l’objectif est de bousculer le vignoble bordelais et ses traditions avec des offres décalées, parmi lesquels ont peut retrouver les frères Todeschini (Château Mangot) ou Loïc Pasquet (Liber Pater).

[9] 7 cuvées élevées en amphore sur une dizaine hectares sur 40.

[10] Pour poursuivre ce voyage dans le monde merveilleux des vins en amphore, se référer au livre de Simon J Woolf, Amber Revolution, qui trace son panorama à l’échèle mondiale.

[11] Le vigneron vinifie tous ses vins en vendange entière et ses rouges dans des troncs coniques.

[12] « Rien de tel qu’un faignant quand il se met au travail », tel est la maxime sur mesure dont le vigneron s’est adoubé.

 
 
 

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