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Les Accords de Fargues selon Philippe de Lur Saluces / Fargues (Gironde)

Texte Jean Dusaussoy / Photos Droits réservés


En écho au livre Château de Fargues, La Folle Ambition des Lur Saluces à Sauternes [1], nous sommes allés à la rencontre du Comte Philippe de Lur Saluces dans le berceau de la famille depuis 1472, le château de Fargues.



 Il fait déjà chaud en cette fin de mai au château, 70% d’humidité dans l’air la veille, suite aux pluies tombées sur le Sauternais. Un micro-climat qui n’est pas étranger à l’élaboration de cette « lumière bue » selon la formule de Frédéric Dard pour magnifier le plus célèbre des vins liquoreux. Pourtant, ce n’est qu’après la première guerre mondiale, que Bertand de Lur Saluces, le grand-oncle de Philippe, planta les premières vignes de sémillon sur le plateau au-dessus du château. Jusque là, Fargues était le château « nourricier » des autres propriétés de la famille dont Yquem. On y élevait du bétail, y cultivait des céréales ainsi que de la vigne, mais uniquement pour faire du vin rouge.


 

Les trois âges de Fargues

 

Nous nous réfugions dans la fraîcheur du château et sa cuisine, où, pendant que le chef à domicile, Gaël Dassonville, nous prépare le déjeuner pour trois millésimes (2017, 2007 et 1997), nous abordons avec Philippe de Lur Saluces et François Amirault, responsable du Château, les trois vies du Sauternes à Fargues et leurs accords, alors que sucre et gras sont presque bannis des tables aujourd’hui.

 


« Les accords sont la clef pour libérer l’amateur afin qu’il ait suffisamment confiance en lui pour ouvrir les bouteilles », débute le Comte. « Si l’on divise un vin de Fargues au cours de sa vie, ce serait jeune jusqu’à 10 ans, adulte jusqu’à 25 et vieux par la suite. Quand il est jeune, il est très porté, non pas sur le fruit, mais les paniers de fruits. C’est-à-dire difficile à lire, mais agréable à aborder parce que l’on est submergé par une complexité gustative extrêmement fraîche où l’amertume est moins lisible que sur un vin plus vieux. Les accords que nous faisons sont généralement avec des aliments qui ont une certaine texture parce que le vin lui même a une texture que lui apporte le travail du champignon qui produit du glycérol pour épaissir le jus. »

L’huître, la Saint-Jacques, le crabe ou le homard, comme cette salade en deux façons (nem et pince avec une vinaigrette d’agrumes), que nous a préparée le chef, font de beaux accords, sans oublier les asperges blanches pour leur douce amertume.

 

« Les vins adultes ont généralement une expression plus confite de leurs fruits qui permet une lecture plus facile avec une amertume plus présente », poursuit Philippe de Lur Saluces. « Pour les accords, on a à la fois besoin de mets à la texture plus importante et de goût un peu plus prononcés. C’est là où les ris de veau chéris entrent en jeu, car ils vont très bien avec ce genre de vin, soit avec un jus réduit soit à la crème, même si on risque d’avoir un peu de gras sur gras, mais le vin y survivra, ou encore l’association ris de veau-huître, juste pochée puis grillée et posée sur le ris de veau croustillant. Un accord fabuleux. »

Dans un registre plus canaille, le boudin noir, pour peu qu’il soit épicé et que l’on ne l’associe pas aux pommes afin d’éviter d’ajouter du sucre au sucre.

 

« Enfin pour les vins de plus de 25 ans », reprend le Comte, « premièrement, ils « mangent leur sucre », les confits et amers se renforcent et on a assez typiquement à Fargues un côté marmelade d’orange amère qui se dégage, voire mandarine quand c’est un très grand millésime. On se dit spontanément que cela irait bien avec un canard à l’orange, à part qu’il faut oublier l’orange pour que le vin ait sa place. »

Mais aussi le pigeon, avec ou sans pastilla, et bien sûr les fromages : pâte persillée, vieux Comté et chèvre cendré.




 

Des accords en creux

 

« Tout ce qui est présent dans votre vin, doit être retiré de la recette pour créer un manque », m’a dit un jour un chef à Hong Kong. C’est assez conceptuel et je ne suis pas assez bon cuisinier pour faire ça quand je prépare une recette donc, j’ai simplifié les choses en me disant que tout ce qui pourrait être cuisiné avec une sauce ou un accompagnement sucré, il faut en faire une autre version pour laisser la place au vin », conclut Philippe de Lur Saluces.


[1] Editions Glénat, novembre 2022 – 39,95€



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